Un escrimeur iranien disparaît en France
La France entière a entendu parler des derniers championnats du monde d’escrime, qui se sont déroulés la semaine dernière au magnifique Grand-Palais de Paris, dont on nous promettait monts et merveilles, notamment une razzia de médailles de la part de la délégations française qui jouait à domicile. Malheureusement, la France, nation de l’escrime, ressort de l’épreuve avec un bilan plutôt mitigé, deux médailles d’or glanées par l’équipe masculine d’épée, mais surtout par l’épéiste française Maurenn Nisima, digne héritière de la “guêpe” Laura Flessel.
Mais un autre événement, passé lui totalement inaperçu, a marqué ces championnats du monde. Et il s’est joué du côté de la délégation iranienne. Si les huit membres de l’équipe d’Iran n’ont pas brillé par leurs résultats (en même temps D’Artagnan n’est pas né à Téhéran), ils ont été victimes, en coulisse, d’une affaire pour le moins étrange.
En effet, on vient d’apprendre de l’agence de presse iranienne ISNA que le fleurettiste iranien Mohammad-Hossein Ebrahimi, qui a participé aux championnats du monde en France, n’est pas rentré en Iran avec le reste de son équipe. “C’est à l’aéroport que nous avons constaté que cet escrimeur ne se trouvait plus parmi ses autres coéquipiers, explique à l’agence de presse iranienne Mehr Peyman Fakhri, directeur de la fédération iranienne d’escrime. “Il avait rassemblé toutes ses affaires avant de quitter l’équipe, étant donné qu’il ne restait aucune trace de son sac à dos ni de sa valise à l’aéroport”, poursuit le technicien. Selon ISNA, Ebrahimi a quitté l’hôtel où séjournaient les membres de l’équipe nationale d’Iran la veille de leur retour à Téhéran, et les efforts des responsables de la délégation visant à le retrouver sont pour l’instant restés vains.
Cette disparition est d’autant plus étonnante que Mohammad-Hossein Ebrahimi devait s’envoler dans la foulée pour la ville de Guangzhou, en Chine, où se trouve actuellement le reste de l’équipe iranienne d’escrime pour participer aux Jeux asiatiques. Encore plus étrange, l’escrimeur iranien s‘était déjà fait remarquer l’année dernière lors des championnats du monde d’escrime en Turquie, en refusant, en compagnie de trois de ses coéquipiers, d’affronter un adversaire israélien, entraînant son exclusion de la compétition.
Si de nombreux athlètes iraniens ont refusé ces dernières années d’affronter des athlètes israéliens, provoquant l’ire et l’incompréhension des médias occidentaux, il est utile de rappeler que tout sportif iranien qui ne déclare pas forfait contre un adversaire israélien, pays que ne reconnaît pas officiellement l’Iran, encourt, pour lui tout autant que pour sa famille, de graves représailles une fois de retour au pays. Plusieurs sportifs iraniens ont profité par le passé de telles compétitions internationales pour fuir leur délégation (parfois par la fenêtre de leur hôtel en Australie) et demander l’asile politique. Le service militaire de deux ans obligatoire pour les hommes en Iran, ainsi que la grande difficulté actuelle pour obtenir un visa pour l’étranger, condamnent de nombreux jeunes iraniens à rester enfermés dans leur propre pays, alors que le chômage, la crise politique, mais surtout économique, font rage.
Mais il n’y a pas que les sportifs, les politiques, les journalistes, ou les avocats iraniens, qui fuient leur pays et acquièrent le statut de réfugié à l’étranger. Trois diplomates iraniens en poste dans les ambassades d’Iran à Oslo, Helsinki et Bruxelles, ont demandé cette année l’asile politique en Norvège et en Finlande en signe de protestation contre la violente répression survenue en Iran à la suite des dernières élections présidentielles.
La République islamique ne semble pas pour autant avoir dit son dernier concernant son fleurettiste. Ainsi le président de la fédération iranienne d’escrime vient de révéler qu’à son retour en Iran, il avait immédiatement averti par lettre l’ambassade d’Iran en France ainsi que le ministère des Sports au sujet de “l’asile de ce sportif”. “De toute façon, explique-t-il, Ebrahimi s’est absenté de l’équipe d’escrime du pays, et il est important pour nous de régler le problème qui est survenu”.