L'entreprise à l'heure du ramadan

Les Echos

Les musulmans doivent entamer aujourd'hui le ramadan. Alors qu'une large majorité d'entre eux respecte ce mois de jeûne, certaines entreprises cherchent à s'adapter pour répondre à des questions de sécurité et de cohésion.

C'est un mois de travail un peu particulier pour les musulmans. Pendant le ramadan, les horaires et la charge de travail ne sont pas censés changer, mais le rythme personnel, lui, est largement modifié. « Il faut se lever vers 4 heures du matin, manger et boire, puis essayer de se rendormir » avant d'aller au travail, explique Loubna, une jeune journaliste. S'ensuit une journée également particulière : pas de pause café ni cigarette et surtout pas de pause déjeuner. «  Entre midi et deux, j'essaye de faire une sieste pour me reposer », poursuit Loubna. La plupart des jeûneurs musulmans affirment ne pas connaître de véritables sensations de faim. Tout juste de petits creux à l'approche du repas du soir.

Parer à d'éventuels problèmes

Pourtant, ne pas se nourrir peut avoir des conséquences sur la productivité des salariés. Notamment dans les métiers qui requièrent des efforts physiques. Francis Bergeron, ancien DRH d'une entreprise de métallurgie, raconte ainsi que, sur les chantiers, « à la moindre pause, on pouvait voir des ouvriers s'allonger ». En plein mois d'août, sous une forte chaleur, une défaillance peut arriver d'autant plus vite. Les entreprises prennent donc souvent des mesures pour parer à d'éventuels problèmes : les employés peuvent échanger leurs postes ou leurs horaires avec des collègues qui ne font pas le ramadan, prendre un congé ou une RTT.
Le ramadan pose également des questions de relations humaines au sein de l'équipe. « On ne connaît pas à ce jour de politique d'entreprise sur le ramadan », note Benjamin Blavier, responsable diversité de IMS-Entreprendre pour la Cité, qui accompagne des entreprises dans des démarches d'engagement social. Pourtant, des sociétés acceptent de faire des gestes envers leurs employés musulmans. Certaines sensibilisent leurs employés pour éviter des propos déplacés envers ceux qui jeûnent. D'autres octroient des horaires aménagés, permettant de commencer et de finir sa journée plus tôt. Sophie Chabot, chargée des ressources humaines dans le groupe de restauration Frères Blanc, explique que, « pour les employés qui travaillent le soir, nous aménageons un espace au moment de la rupture du jeûne et nous offrons des dattes et du lait ».
« I l n'y a pas de tabou, car le ramadan est une fête, ce n'est pas vu comme quelque chose qui divise », estime Dounia Bouzar, anthropologue et auteur d'«  Allah a-t-il sa place dans l'entreprise ? » (Albin Michel). Outre les questions de sécurité, le jeûne lui-même n'entre pas en contradiction avec le Code du travail, selon lequel les pratiques religieuses ne doivent pas entraver l'hygiène, la liberté des autres et la mission de l'entreprise.

« Ca peut jaser »

Tout dépend en fait de la sensibilité du manager. Et du nombre de musulmans dans l'équipe : une entreprise employant beaucoup de musulmans devra forcément s'adapter. A l'inverse, il n'est pas toujours facile de s'assumer quand on est en minorité : «  L'an dernier, on était deux musulmans dans mon institution, j'ai fait en sorte que personne ne sache que je jeûnais. Je veux conserver l'anonymat religieux, car ça peut jaser », se rappelle Idriss, fonctionnaire européen.
De plus en plus de Français assument toutefois leur religion sur leur lieu de travail, notamment ceux issus de l'immigration, veut croire Dounia Bouzar : «  Contrairement à leurs parents, ils sont nés en France et revendiquent de pouvoir être français et musulman à la fois. »
C. BA., Les Echos

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