Chine, l’explosion des microblogs

90% des internautes de moins de 40 ans utilisent ce nouveau média...
90% des internautes de moins de 40 ans utilisent ce nouveau média...
AFP
 
Par Stéphane Lagarde
 
C’est un grand pas en avant dans la communication et la socialisation sur internet en Chine. Selon une étude qui vient de paraître, les articles courts et les mini messages sur le web explosent dans le pays le plus connecté au monde. Les utilisateurs sont passés de 8 millions l’année dernière à 75 millions cette année.


Cela fait plusieurs mois que les « weibo » font parler d’eux, mais cette fois la déferlante est quantifiable. Selon Enfodesk, la société d’analyse qui a mené l’enquête, les microblogs ont augmenté de 837,5% en un an et le nombre de leurs utilisateurs devrait doubler en 2011, pour atteindre 240 millions en 2012. Ces minis articles de moins de 200 mots sont envoyés depuis un ordinateur ou un téléphone portable relié au réseau vers des plateformes internet dédiées contrôlées par une poignée de grandes sociétés.

Les « racines de l’herbe » 

90% des internautes de moins de 40 ans utilisent ce nouveau média dont de nombreuses personnalités. Sina.com qui avec QQ est leader sur le marché local, a recensé 20 000 célébrités sur sa plateforme. Des acteurs, des artistes, des écrivains qui sont évidemment très suivis par leurs fans. Le succès est tel que les institutions sont entrées dans la danse. La police de Pékin dispose d’un site de microbloging, le gouvernement a lancé son propre portail. « Tout l’enjeu aujourd’hui pour les sociétés qui proposent des forums de microbloging est d’attirer les Cao Gen –littéralement les ‘racine de l’herbe’ », affirme Dong Xu, responsable du secteur informatique d’Enfodesk. Ce sont des stars non traditionnelles qui se sont forgées un réseau et qui par leurs écrits, attirent les autres utilisateurs.

Ces leaders d’opinions auteurs de mini messages font pousser les articles et les réactions des internautes comme du gazon sur les forums. C’est par exemple le cas de Wang Kai l’été dernier. Ce jeune bloggeur de 19 ans a effectué des reportages sur les coulées de boue dans les montagnes du nord-ouest du pays. Ses écrits ont été repris et commentés de façon virale.

Messages politiques

Mini blogs et mini sujets. La majeure partie des récits concernent le quotidien. La météo, par exemple. Ce mercredi matin, l’arrivée du froid et de la neige étaient sous tous les claviers avec moins 10 degrés au thermomètre à Pékin et moins 45 à Genhe en Mongolie Intérieure. On y discute aussi du dernier film qu’on est allé voir, de son humeur du moment, d’un produit que l’on souhaite vendre ou échanger sur le net.

Et puis, il y a des messages plus politiques. On « microblogue » par exemple pour dénoncer les démolitions et les expulsions dans les quartiers. On se plaint de l’augmentation des prix du tous les jours, de la hausse des loyers et de la passivité des autorités. Ces mini-messages très proliférant étant plus difficiles à contrôler par les censeurs. La répression existe aussi pourtant dans ce domaine, surtout lorsqu’il s’agit de sujets jugés sensibles. Le cas le plus récent a fait le tour de la planète internet. Le 15 novembre dernier, une cyber activiste de 46 ans a répondu avec humour à un message de son mari se moquant des manifestants chinois antijaponais. Chen Jianping, alias « wangy09 », était depuis longtemps dans le collimateur des autorités. La militante des droits humains purge une peine de un an de rééducation par le travail dans une prison de la province du Henan au centre du pays. La sanction a immédiatement suscité une avalanche de microblogs en réaction.

Twitter oublié 

Basée sur les données fournies par les plateformes chinoises et notamment par sina.com, l’étude d’Enfodesk n’a pas pris en considération les réseaux sociaux américains tels que Twitter ou FaceBook interdits en Chine. Bloqués par les autorités, les deux réseaux sont pourtant accessibles au moyen de proxy et de vpn, des logiciels très facilement accessibles et qui permettent de déjouer la censure. Twitter est ainsi très utilisé notamment lorsqu’il s’agit de parler des questions qui fâchent. C’était encore le cas vendredi dernier lors de la remise du prix Nobel de la paix au dissident chinois Liu Xiaobo à Oslo. La censure avait bloqué les termes « prix Nobel », « chaise vide » et même le nom du dissident. Sur les microblogs, les internautes ont tout simplement donné un autre prénom au dissident entraînant une floraison de « Liu » partout y compris sur les sites chinois. Cela a suffit à berner les censeurs raconte le site d’analyse des médias chinois Danwei . La meilleure chose partagée sur les microblogs en Chine étant de loin l’humour.


http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20101215-chine-explosion-microblogs

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