L’Oncle Tom coûte cher au contribuable américain

Courrier international


Les contribuables du Maryland ont déboursé plus de 2 millions de dollars pour acheter et rénover la case de l'Oncle Tom… ou plutôt ce qu'ils croyaient être la case de l'Oncle Tom. Car, comme ils l'ont découvert, le héros du roman antiesclavagiste de Harriet Beecher Stowe n'a jamais vécu dans cet édifice acheté à grands frais. "Il y a quatre ans, écrit le National Post, on faisait tout un foin pour sauver ce site historique présenté comme une demeure coloniale à laquelle était accolée une cabane en bois où avait vécu Josiah Henson, l'esclave qui inspira La Case de l'Oncle Tom." L'annonce d'une possible reconversion des lieux avait soulevé une vague d'indignation populaire, indique le quotidien, et il fallait agir vite.

L'édifice a bien appartenu à la famille Riley, propriétaire de Henson. Mais, si ce dernier a vécu quelque part, ce devait être dans le quartier des esclaves, disparu depuis belle lurette. La prétendue case de l'Oncle Tom est en réalité une cuisine, mais pas celle d'origine, où l'esclave a passé une nuit. Comme le montre l'analyse des rondins utilisés pour sa construction, l'appentis actuel n'a été construit que dans les années 1850, soit plus d'une dizaine d'années après que Henson se fut enfui des Etats-Unis, rapporte The Washington Post.

Les historiens locaux affirment qu'il était possible de se procurer une histoire précise du lieu, mais visiblement aucun membre du conseil de Montgomery ne l'a lue. Greg Mallet-Prevost, fils des anciens propriétaires, savait qu'il était peu probable qu'Henson ait vécu ici, mais il n'a pas voulu détromper les autorités. "Cela fait deux cents ans qu'on appelle cet endroit la case de l'Oncle Tom", explique-t-il. De toute évidence, écrit le National Post, les sentiments et la tradition orale l'ont emporté sur la vérité historique.

Le comté a payé 1,72 million de dollars pour la propriété en 2006, alors que le marché de l'immobilier était au plus haut. La rénovation des lieux, pour y installer un musée, a coûté 1 million de dollars supplémentaire.

Les responsables du projet réfléchissent désormais à une nouvelle appellation pour le site, qui pourrait être baptisé Josiah Henson Historic Site. Les visiteurs y trouveront un centre consacré à la vie des esclaves avant la guerre de Sécession. Quant à ceux qui tiennent vraiment à voir la case de l'Oncle Tom, ils pourront aller à Dresden, dans l'Ontario. C'est au Canada, en effet, que Henson avait trouvé refuge après sa fuite.

http://www.courrierinternational.com/article/2010/10/21/l-oncle-tom-coute-cher-au-contribuable-americain

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